'Entre' est un projet collectif mené par les étudiants de l'Ecole Nationale supérieure Louis Lumière sur une proposition de Christian Caujolle. Regroupés en collectif ces quatorze photographes proposent autant de manière de voir l'Europe. Chacun a rencontré un européen ayant quitté son pays pour venir habiter en région parisienne. De ces échanges sont nées des commandes photographiques, avec pour mission de rapporter du pays d'origine une image représentant un élément, un lieu, un être cher à l'exilé.

Point de départ de ce parcours européen, cette démarche implique une réflexion sur l'exil, la distance, l'absence, le souvenir, la nostalgie - quelles qu'en soient les causes. Le photographe se fait ainsi le porte parole d'une rencontre entre deux univers, tandis que les rapports d'exil s'inversent et qu'il devient l'étranger confronté à une autre culture le temps d'un voyage. En se posant ainsi la question du déracinement d'un émigré sur son propre continent, Entre en vient à interroger la notion d'identité européenne par l'intermédiaire de la photographie. S'il existe une photographie européenne en gestation, elle peut sans doute se nourrir d'une réflexion sur les territoires, les cultures et les identités qui font le continent européen, en retranscrivant au travers de l'image une mémoire rapportée par le dialogue.

Ainsi, je me suis rendue à Turin en Italie afin de retrouver l'ami d'enfance d'Antonio, l'émigré rencontré à Paris. Antonio m'a demandé de lui rapporter des images des différents lieux où il a vécu avec son ami. J'ai logé pour quelques nuits dans une pension turinoise. L'accueil ressemblait à un aquarium. A droite, un pied métallique imitation, bois sur lequel se dresse un magnifique ARA vert. Au comptoir, le patron écoute la Callas sur son ordinateur. Vers le bar un couple d'un certain âge semble également faire partie de l'audition. Une fois mes affaires déposées dans la chambre, je retourne à l'accueil où personne ne semble avoir bougé. Je tente un 'dove posso comprare cosa per mangiare ?'. Le couple sort de sa léthargie. Comme la pension est excentrée, le couple décide de m'accompagner en voiture à une pizzéria. Je les suis, on roule vingt mètres et le 4x4 stoppe : 'E qui !'. Je rentre à pied à l'hôtel avec la Margarita et ma Moretti. Première nuit, première pizza, la Callas en BO...